Chaque mercredi, Emma et ses collègues ne mangent pas au self de leur entreprise. A l’heure de la pause déjeuner, elles prennent la direction d’un restaurant tout proche qui pratique la vente à emporter. Leur plat fétiche : les tacos, des tortillas de blé ou de maïs roulées et garnies d’ingrédients qu’elles peuvent elles-mêmes choisir. L’une d’elle marie viandes et légumes, une autre se laisse souvent tenter par la version végétarienne. Emma, pour sa part, opte fréquemment pour les tacos au poulet. Les jeunes femmes ne sont pas les seules à raffoler de ces galettes plates fourrées. Celles-ci rencontrent aujourd’hui un succès considérable en France et se sont imposées ces dernières années comme « le » plat à la mode dans le secteur du snacking.
Tacos de poulet frit accompagné d'épis de maïs roti
Un succès qui illustre l’attrait croissant des Français pour la street food, « nourriture de rue » qui permet de déguster facilement des plats à emporter, y compris en se déplaçant. Cette consommation nomade profite pleinement de la dynamique observée plus largement dans la restauration rapide, dont le chiffre d’affaires a bondi de 160 % entre 2007 et 2018 selon l'étude du cabinet CHD Expert. Le phénomène concerne le secteur céréalier au premier chef : la majorité des mets qui s’imposent aujourd’hui sont construits autour d’une base de pain ou de galette plate (wrap, fajita…).
Il en est ainsi des « valeurs sûres » comme le sandwich qui séduit depuis déjà de nombreuses années les consommateurs. Un succès qui ne se dément pas : la moitié des français consomment des sandwichs régulièrement avec un taux de consommateurs hebdomadaire à 48,5 %. Cette consommation est encore plus forte chez les jeunes de 15-24 ans à 70,8 % (Source CCAF CREDOC 2019).
De la tortilla au bunny chow, des saveurs du monde entier
Les nouveaux « produits stars » de la street food répondent à la même logique. Leur recette est, là encore, structurée autour d’un pain ou d’une galette. Pratiques à consommer, ils ont vu leurs ventes fortement progresser ces dernières années. Ils disposent d’un autre atout : ces plats permettent aux consommateurs de partir à la découverte des saveurs du monde entier. La plupart des mets qui se mangent sur le pouce proviennent en effet de contrées lointaines. C’est le cas par exemple de la pupusa, une galette de maïs fourrée qui nous offre les saveurs du Salvador. Même chose pour le gyeranppang, un petit pain farci d’œuf qui nous entraîne vers les terres coréennes, ou encore le kumru turc, sandwich composé de tomates et de spécialités nationales : le fromage kaşar et le sucuk, une saucisse épicée.
Gyeranppang, petit pain farci d’œuf (Corée)
Ces produits de la street food nous racontent également une histoire
Savez-vous, par exemple, que les tortillas aujourd’hui nécessaires à la confection des tacos ou des fajitas étaient déjà consommées au Mexique sous l’Antiquité ? Ces galettes plates de maïs ont été découvertes par les explorateurs européens à l’époque moderne, lors de leur arrivée sur le continent américain. Le bunny chow est quant à lui un plat de street food originaire d’Afrique du Sud. Ce pain évidé et fourré au curry a été inventé par la communauté indienne de la ville de Durban. Il témoigne aujourd’hui encore de l’implantation durable de cette diaspora, débutée à la fin du XIXe siècle avec la migration de nombreux travailleurs indiens dans ce qui était alors une colonie britannique.
Des wraps et des fajitas « fait maison »
Si ces produits ont une histoire, ils sont également profondément vivants. En se diffusant à travers le monde, ils ont vu leurs recettes évoluer, s’enrichir de la confrontation avec d’autres horizons culinaires. Telles les tortillas qui sont réalisées aujourd’hui dans de nombreux pays à partir de farine de blé. Ils ont également suscité l’intérêt de grands chefs qui ont décidé d’en proposer des déclinaisons toutes personnelles. C’est le cas par exemple de Christian Constant qui avait revisité le kebab en 2016 en proposant une version avec un pain naan à la fleur de thym.
Fajitas maison
La cuisine de rue s’invite même aujourd’hui dans les cuisines des Français. Le « fait maison » est en vogue et nombre de cuisiniers amateurs s’essaient à la confection de galettes de maïs ou de blé fourrées, qu’il s’agisse d’une fajita mexicaine ou de sa déclinaison américaine, le wrap (« wrap » signifiant « enrouler » en anglais). Une tendance qui permet, là encore, de créer de nouvelles variations de ces mets. Et qui montre, aussi, combien ces produits stars ont su, en quelques années, s’installer dans notre paysage culinaire.