Lorsqu'il rentrait du collège, sa première préoccupation était de savoir ce qui avait été fait sur la ferme familiale en son absence. Rien d'étonnant donc que, quelques années plus tard, il ait repris l'exploitation. « Etre agriculteur, ça a toujours été une évidence, depuis tout petit », confirme-t-il. Aujourd'hui céréalier en Vendée, il savoure de pouvoir « faire un métier qui [le] passionne, qu'[il] aime », et dont le quotidien a fréquemment des parfums d'enfance.
C'est presque un « passage obligé » : la période de la jeunesse refait bien souvent surface lorsqu'est évoqué l'attachement aux céréales et aux produits céréaliers. Lors d'un Voyage dans l'imaginaire des céréales organisé, début décembre, à Nantes, par Passion Céréales, les intervenants en ont fait la démonstration.
Dans les pas de Franck Bluteau, Hubert Chiron a lui aussi replongé, l'espace d'un instant, dans ses tendres années. Celles où l'été venu, il repérait, avec ses copains, les champs où les moissonneuses-batteuses étaient en action. « Un spectacle fantastique », se souvient-il. C'était le temps où il faisait bon mastiquer des grains de blé pour voir naître une gomme sous ses dents. « Le moins cher des chewing-gum ! », évoque avec délice l'ingénieur d'études à l'Inra. Du temps a passé depuis ces escapades rurales, mais Hubert Chiron n'a pas quitté l'univers céréalier pour autant. « Cette protéine végétale a donné un sens à ma carrière professionnelle », résume-t-il. Il a, depuis, mené de nombreux études sur la panification et dispose d’un fournil expérimental sur son lieu de travail.
L'enfance et ses senteurs de crêpes au sarrasin
Ludovic Pouzelgues a, lui aussi, été inspiré par des parfums d'enfance pour construire son quotidien professionnel. Le chef du restaurant Lulu Rouget, à Nantes, affectionne aujourd'hui de travailler le sarrasin dans ses cuisines. « Ce que j'aime en lui, c'est la graine, son croquant m'intéresse », indique-t-il. Il y voit « un habit qui va rendre bons, croustillants et beaux » certains de ses plats. Une céréale qui reste attachée à de délicieux souvenirs. « L'odeur des crêperies, durant mes vacances au bord de la mer, m'a marqué pendant mon enfance », explique-t-il. Les collerettes croustillantes, les senteurs de beurre fondu et, bien sûr, de sarrasin : autant d'éléments particulièrement évocateurs pour le chef. « J'ai voulu m'en servir dans ma cuisine », conclut-il.
Quand il regarde le chemin professionnel qu'il a accompli, Dominique Planchot n'oublie pas de porter, lui aussi, un œil sur ses années de jeunesse. Il est aujourd'hui boulanger Meilleur ouvrier de France (MOF) et à la tête d'une entreprise familiale qui compte parmi ses spécialités la brioche vendéenne. Une pâtisserie qu'il a « fréquentée » durant toute son enfance. « Ma mère était devant le four, et défournait la brioche, se souvient-il. Et nous, les enfants, la mettions dans des sacs ». Lorsque, quelques années plus tard, il a repris la société, « [son] premier travail a été de [s]'approprier la recette ». Une étape plus délicate qu'il ne l'aurait imaginer. « Elle n'était pas écrite, explique-t-il et personne ne la possédait en entier : ma mère, ma grand-mère et le boulanger en détenaient chacun une partie. » Chacun de ces personnages clés sera donc consulté pour découvrir, enfin, les secrets de la brioche.
La tranche de pain de la grand-mère
Des souvenirs gourmands de ses jeunes années, Stéphanie Fillaudeau en possède également de nombreux. Celui d'une « tranche de pain », par exemple. Mais pas n'importe quelle tranche. Celle de sa grand-mère, dans une cuisine où la table était en formica. La blogueuse culinaire (unegrainedidee.com) se souvient que ce pain était grillé à la poêle, avec une belle noisette de beurre et du chocolat. Un « moment céréalier » qu'elle affectionnait tout particulièrement et qui, avec d'autres, lui a permis de développer, année après année, une passion pour la cuisine.
Si les céréales renvoient si fréquemment à l'enfance, c'est avant tout parce que leur univers est riche en gourmandises prisées des plus jeunes. Il n'est qu'à voir les produits lancés sur le marché depuis plus d'un siècle par LU pour s'en persuader. Historien et conservateur du patrimoine Lefèvre-Utile, Olivier Fruneau-Maigret en a présentés quelques-uns lors du Voyage mené par Passion Céréales. A commencer par le fameux Petit Beurre inventé en 1886 et qui sera attaché durablement à l'image de l'écolier. « Le Petit Beurre, c'est l'enfance tranquille, la gourmandise », souligne-t-il. D'autres suivront et notamment, en 1905, la gaufrette fourrée à la pulpe de fruits (« un coup de génie », pour Olivier Fruneau-Maigret), la Paille d'Or, dont le succès est, un siècle plus tard, toujours au rendez-vous. Autant de trésors du quatre-heures dégustés avec délice durant l'enfance... et qui se transformeront, l'âge adulte venu, en Madeleines émouvantes.