C'est d'ailleurs le message qu'a fait passer l'ensemble des intervenants réunis fin octobre à la Halle aux Toiles, à Rouen, pour un Voyage dans l'imaginaire organisé par Passion Céréales.
Le premier d'entre eux, Damien Auclaire, a donc livré sa vision très personnelle des étendues céréalières normandes. Sous ses yeux, les terres qu'il cultive sont bien plus que des hectares dédiés aux productions végétales. Il y a là, pour lui, « un tableau de couleurs qui change tous les jours ». Vous ne voyez qu'une étendue sombre en début d'automne ? Il vous parlera des couleurs qui, ça et là, paraissent. De ces teintes rouges ou blanches qui se détachent du fond brun. Pour lui, il n'y a pas au printemps un « vert » mais une multitude, qui en disent long sur le type de blé, son état de développement, le climat... Ainsi, l'art est au champ lorsque l'agriculteur pose son regard sur ses cultures.
Lui aussi céréalier, le délégué Passion Céréales en Basse-Normandie, Jean-Pierre Prévost, voit notamment les travaux agricoles à travers les yeux de ses cinq petits-enfants. Et pour eux, à l'heure des récoltes, c'est la moissonneuse-batteuse qui est reine. « Elle remplace le manège de la fête foraine », s'amuse-t-il. Une histoire de famille pour cet agriculteur qui avoue avoir eu « la passion de l'agriculture jeune » : « Dès 9 ans, je faisais mes premières moissons ! »
Le délégué commercial de Haropa Ports, Manuel Gaborieau, laisse lui aussi libre cours à son imagination pour transformer son univers céréalier quotidien. Que voit-il ? Un fabuleux voyage que s'offre le grain de blé à travers la planète. Des campagnes normandes jusqu'aux vendeuses de beignets africaines, le chemin parcouru laisse en effet songeur. Les barges qui parcourent la Seine lui permettent de rallier Rouen. « Il s’y trouve des cathédrales modernes: les silos portuaires », explique-t-il. Puis ce sera l'aventure maritime. Car depuis la préfecture de Seine-Maritime, « le petit grain de blé peut aller en Chine, en Amérique ou en Afrique. Il devient finalement le représentant de la France un peu partout dans le monde. »
L'univers céréalier, évocation d'une réalité sociale
Comment les peintres perçoivent-ils quant à eux les paysages céréaliers normands ? Vaste question, et beau sujet d'étude qu'a présenté Alexandre Burtard, codirecteur de la Manufacture du patrimoine. Parmi les œuvres évoquées, celle du peintre Jean-François Millet.
Originaire du Cotentin, l'artiste va peindre en 1857 Des glaneuses, tableau à travers lequel « il montre le prolétariat agricole ». La représentation de ces femmes autorisées à ramasser les restes d'épis s'oppose à la riche moisson qui se dessine en arrière-plan.
L'univers céréalier peut donc être un point d'appui pour représenter une réalité sociale. Une réalité sociale avec ses souffrances, mais également, parfois, avec ses joies. Pour Denis Henrion, boulanger et formateur à l'Institut national de la boulangerie-pâtisserie, intégrer le « corps » des boulangers a été une véritable fierté. A tel point qu'après sa première journée de travail, en 1967, il a pris soin de se saupoudrer de farine pour que tout un chacun sache quel était son nouveau métier ! La passion pour sa profession ne l'a pas quitté depuis. Avec un moteur des plus puissants : le regard positif que la population française porte sur les boulangers. « Les gens nous aiment », se réjouit-il.
A la tête de la biscuiterie de l'Abbaye, Gérard Lebaudy sait lui aussi toute l'importance de la relation avec le client. Les sablés qu'il confectionne s'inscrivent dans la tradition culinaire normande. Ils sont d'ailleurs pour lui aujourd'hui une manière de célébrer sa région. « Nous utilisons des produits locaux comme la farine des blés du Cotentin ou du Perche, explique-t-il. Et j'espère qu'avec nos biscuits, nous permettons aux consommateurs de se construire un imaginaire sur les produits normands et les paysages régionaux dont ils sont issus. »
Les pâtes au service de la cohésion d'équipe
Lorsqu'il présente à ses clients une pascade, Alexandre Bourdas, chef du restaurant SaQuaNa à Honfleur, espère lui aussi mettre leurs sens en éveil et leur offrir un voyage immobile. Surtout, il souhaite que cette crêpe qu'il a ramenée de son Aveyron natal et revisitée, puisse leur permettre de vivre un moment convivial. « Lorsque j'ai décidé de placer la pascade en début de repas, au milieu de la table, j'ai rapidement constaté que les gens levaient les yeux et que ce plat favorisait le partage entre eux ! », assure-t-il. Pour lui, ce mets à base de farine est donc l'allié idéal pour encourager la communication autour d'une table.
Nicolas Petit n'est pas loin de penser la même chose des plats de pâtes qu'il mange avant chaque compétition. Le président du club nautique et athlétique de Rouen sait combien la cohésion d'équipe est importante à l'heure des grands rendez-vous sportifs. Alors, lorsqu'une épreuve d'aviron approche, les pâtes ne permettent pas seulement aux compétiteurs de faire des réserves de glucides. Leur dégustation doit également être, pour les sportifs, l'occasion de « se retrouver, de livrer leurs ressentis et, finalement, de ne faire qu'un seul homme pour gagner. Un plat de pâtes, c'est donc indispensable ! »