Dans le Théâtre du Pavé, les spectateurs ont donc pris leur envol, plongeant tour à tour vers des destinations lointaines, dans le secret de recettes traditionnelles, ou encore au cœur des laboratoires de recherches agronomiques. Preuve étant faite, au passage, de la diversité des territoires qu'explorent les passionnés des céréales.
Ces territoires, ce sont tout d'abord ceux représentés par deux photos, offertes au regard par Grégory Dechamp-Guillaume, directeur de l'INP-Ensat. La première est celle d'un « joli champ de blé. J'y vois des fleurs, des coquelicots, des bleuets, de la moutarde et des chardons », note-t-il. La seconde « nous fait partir très loin, à des milliers de kilomètres, au Cambodge, où la production de riz domine ». Deux paysages et deux réalités fort différentes, mais qui sont reliées par un trait commun : ces céréales qui symbolisent « la vie », relève Grégory Dechamp-Guillaume.
Le voyage proposé par Pierre Lambinon s'effectue, pour sa part, assis, face à une assiette. Dans les cuisines du restaurant toulousain Py-R, il mêle les saveurs pour permettre à ses clients de goûter au dépaysement, l'espace d'un repas. Et dans ses escales gourmandes, les céréales constituent « une base incontournable. On peut tout inventer à partir de ces dernières », note-t-il. Polenta ou boulgour sont à la carte, avec parfois des influences étrangères, marocaines par exemple.
Le millas, ce « pain du pauvre »
C'est également un voyage immobile que nous propose Christian Combes. Un voyage dans le temps et dans les traditions du Sud-Ouest. Le président de l'association Los Biros Manibellos invite à partir à la redécouverte de la fabrication du millas (prononcez « millasse »). Avec son accent chantant, il livre les clés de la confection de cette bouillie à base de farine de maïs blanc, qui pouvait jadis devenir un « pain du pauvre », accompagnant les blanquettes ou les daubes. Son association se bat aujourd'hui pour perpétuer ce savoir-faire et les « valeurs » qui lui sont attachées. « C'est une tradition à conserver », insiste-t-il.
A sa façon, Emilie Pairault travaille elle aussi à la préservation de valeurs qui lui sont chères. Elle est, comme elle le dit elle-même, la « femme du boulanger ». Installée depuis 2012 à Fronton (Haute-Garonne), elle a développé avec son mari une activité commerciale valorisant céréales locales et spécialités régionales. « Nous nous étions préalablement formés à la confection de croustades ou de certains pains », explique-t-elle. Aujourd'hui, elle se dit heureuse de son activité. « C'est à l'ancienne, c'est comme cela que je l'aime ! ».
Des bières éphémères
Mais l'imaginaire des céréales ne renvoie pas toujours aux traditions. Il peut aussi porter en lui les germes de l'innovation. A quoi pense Romain Biscan lorsqu'il évoque les céréales ? Aux nouvelles bières qu'il va proposer à ses clients. « Il y a aujourd'hui de plus en plus de microbrasseries qui s'ouvrent, il faut donc arriver à se démarquer et cela implique d'inventer sans cesse de nouvelles recettes. » L'imagination a donc aujourd'hui toute sa place dans sa brasserie, L'Excuse. Le paysage des micro-brasseries est ainsi en pleine effervescence. Les différents établissements pouvant même s'associer dans des aventures communes et limitées dans le temps pour créer des « one shot », bières éphémères qui feront l'événement.
Concluant la soirée, Yvon Parayre, délégué Passion Céréales en Midi-Pyrénées, a fait la synthèse des différents voyages proposés. Voyage dans les paysages ruraux, avec ce village où l'agriculteur est né, et cette magnifique vue sur la chaîne des Pyrénées. Voyage également dans des terroirs qu'il est, à ses yeux, important de défendre. « Lorsque vous venez dans les champs le matin, les pieds trempés par la rosée, et que vous y retournez le soir au coucher du soleil, vous comprenez l'attachement des agriculteurs à ces terroirs ». Voyage, enfin, dans l'innovation et l'agriculture de demain, Yvon Parayre soulignant toute l'importance des recherches scientifiques des ingénieurs ainsi que du savoir-faire des exploitants pour faire progresser les productions céréalières. « C'est phénoménal le travail qu'il peut y avoir dans un petit grain de blé », s'enthousiasme-t-il. Et de rappeler, comme une touche finale, combien il est essentiel de faire cohabiter, dans son quotidien, imaginaire et monde réel, afin d’avoir la tête en l’air et de garder les pieds sur terre.