Un pêché mignon couleur ambre jaune, une confiserie d'exception, tout en douceur : le sucre d'orge. Et ces figures de notre histoire savaient quel chemin prendre pour déguster ces délicieux bonbons : celui de Moret-sur-Loing, à environ 80 km au sud-est de Paris. C'est là, en lisière de la forêt de Fontainebleau, que sont nés il y a près de quatre siècles ces mets sucrés dont la production a fait, depuis, la renommée des lieux.
Tout démarre par la mise au point d'une recette, au cœur du XVIIe siècle, par les religieuses bénédictines du prieuré de Notre-Dame des Anges. Elles souhaitent alors calmer la toux des moines. Et c'est tout naturellement vers une céréale qu'elles se tournent : l'orge. Une céréale qui dispose en effet un précieux atout : sa décoction (jus issu de la cuisson de l'orge avec l'eau) permet d'adoucir efficacement la gorge. Idéal pour les hommes de foi ! A partir de ce précieux breuvage céréalier, les bénédictines vont alors décider de tester, avec succès, un mélange avec du sucre de canne cuit, accompagné de vinaigre pour éviter la cristallisation du sucre. Le sucre d'orge est né.
Les délices de la cour du roi
Les premiers bâtons voient le jour, sous la direction de la première Supérieure, Elisabeth Pidoux, cousine de La Fontaine. Elle va faire connaître ces bonbons dont la réputation se répand à grande vitesse. Si bien que la cour du roi, rapidement, en fait ses délices, venant faire des réserves de sucres d'orge lors de ses passages, dans le sillage du monarque, au château de Fontainebleau. Dans le même temps, des orateurs, tel Bossuet, adoptent la sucrerie et, avec elles, les vertus adoucissantes de l'orge, et en ont toujours à portée de main, pour prévenir toute défaillance vocale.
La Révolution marque un coup d'arrêt à la fabrication de ces confiseries. Le monastère disparaît. La recette, transmise sous le sceau du secret, va-t-elle disparaître ? On le pense alors. C'était sans compter sur Sœur Félicité. La religieuse, un temps partie de Moret, revient au pays. Elle connaît la mystérieuse recette et va permettre à la production de repartir. Le prestige revient vite. Napoléon Ier en est gourmand et s'en fait livrer régulièrement. Sœur Félicité s'en charge, recevant à chaque fois, en retour, une pièce d'or de la part de l'empereur.
Un parchemin déposé dans un coffre
Au milieu du XIXe siècle, un premier magasin voit le jour. Au cœur de Moret, les sœurs de la Charité, devenues détentrice du secret des sucres d'orge, mettent ici en vente leur production. Alors situé dans l'enceinte de l'hospice des religieuses, cette maison à colombages abrite, aujourd'hui encore, un commerce dédié à ces spécialités sucrées.
Rédigé sur un parchemin cacheté et déposé dans un coffre, le secret des berlingots et des sucettes au sucre d'orge a traversé les siècles jusqu'à nos jours. Il a eu ses célèbres et précieux promoteurs -au premier rang desquels la tragédienne Sarah Bernhardt qui prenait un berlingot avant d'entrer en scène pour s'éclaircir la voix. Il a connu une histoire tumultueuse, longtemps porté par des religieuses avant de basculer, dans la seconde moitié du XXe siècle, hors des murs des ordres (après avoir été longtemps porté par une famille de confiseurs de Moret, les Rousseau, il est aujourd'hui détenu par la société Des Lis Chocolat). Il a, jusqu'à aujourd'hui, célébré les productions locales, l'orge utilisé provenant d'une exploitation céréalière seine-et-marnaise, à Courpalay. Surtout, il a réjoui les palais de multiples générations, offrant de délicieux moments aux enfants... et autant de savoureux souvenirs à leurs parents.
Pour découvrir le lieu de naissance du sucre d'orge Il faut se rendre dans la commune nouvelle de Moret-Loing-et-Orvanne (anciennement Moret-sur-Loing), en Seine-et-Marne, à environ 80 km de Paris (trains régionaux directs au départ de la gare de Lyon, ligne R du transilien). |