Prenez celle de Déméter. Cette déesse de l'agriculture est fille de Chronos et de Rhéa. Sa grande beauté fait venir à elle nombre de prétendants, parmi lesquels Zeus, son propre frère. Transformé en taureau, il parvient à la séduire. De leur union naît Corè, qui est remarquée à son tour et enlevée par son oncle, Hadès, qui règne sur les Enfers. Désespérée, Déméter part à sa recherche et décide d'empêcher toute graine de germer. Face à la famine qui menace, Zeus doit intervenir. Il trouve un compromis : Corè devenue Perséphone, déesse des Enfers, passera une partie de l'année dans les profondeurs, aux côté de son époux Hadès, et le reste du temps près de sa mère, son retour symbolisant l'éclosion du printemps.
Au panthéon des dieux grecs, ceux chargés d'incarner l'agriculture et le cycle de la vie - et souvent également la fécondité - occupent une place centrale. Que Déméter décide de stopper tout processus de germination, et c'est la survie de toute la population qui est en jeu. Il n'est qu'à voir les nombreuses fêtes qui leur sont accordées sous l'Antiquité pour mesurer leur aura. Déméter, qui signifie « mère de la Terre », et par extension « mère des céréales » est par exemple célébrée conjointement avec sa fille lors des Thalysies, en fin d'année, ou encore durant les Thesmophories, en octobre, après les semailles d'automne.
Selon la mythologie grecque, ce sont d'ailleurs les dieux qui vont enseigner l'art de la culture des céréales aux humains. Pour remercier le roi d'Eleusis, Céléos, qui l'a accueilli durant son errance, Déméter apprend semis et labour au fils de ce dernier, Triptolème (son nom signifie « qui laboure trois fois son champ »). Elle donne également au héros des grains de blé, mais aussi un char ailé avec lequel il va parcourir la Terre pour transmettre son nouveau savoir.... Et diffuser le culte de Déméter.
Piliers de la société antique grecque, les céréales jouent bien évidemment un rôle tout aussi central dans les autres civilisations. En Egypte, Osiris, le dieu des morts, est l'objet d'une intense vénération. C'est aussi un roi mythique, inventeur bienveillant de l'agriculture et de la religion. Il incarne le cycle de la nature et de la fécondité.
A Rome, la mythologie accorde également une place de choix à la culture des végétaux. C'est là qu'on trouve Cérès, déesse de l'agriculture, des moissons et de la fécondité, réplique latine de la grecque Déméter. Ses attributs, faucille et épis de blé, renvoient aux travaux des champs, tandis que ses longs cheveux blonds, un rien désordonnés, rappellent les champs de blé avant la récolte. Son culte est marqué chez les Romains par plusieurs fêtes, dont la principale, les Cerealia ou jeux de Cérès, se tiennent en avril.
Nous reste aujourd'hui de cette divinité un nom, céréales, mais également quelques évocations symboliques qui rappellent l'importance qu'ont eu leur culture pour les civilisations antiques. L'une d'elles peut s'observer en levant les yeux au ciel, lorsqu'on se trouve face à la Bourse aux matières premières agricoles, à Chicago (le Chicago board of trade). Là-haut, à 184 m du sol, ce gratte-ciel de style Art déco achevé en 1930 est surmonté d'une statut de Cérès de 9,5 m de haut. Manière de placer, comme aux temps anciens, le commerce des grains sous protection divine. Mais également de souligner qu'il représente aujourd'hui comme hier une activité de premier plan et que le culte voué à Cérès comme à Demeter avait vocation, dans l'Antiquité, à garantir de bonnes récoltes et donc la prospérité aux populations.