Au musée du Louvre, une salle rassemble de nombreuses figurines en terre cuite datant du VIe siècle avant J.-C. Elles nous donnent à voir des scènes de la vie quotidienne en Béotie (Grèce antique). L'une d'elle représente quatre jeunes femmes travaillant une pâte. Ce sont quatre boulangères au pétrin. Une joueuse de flûte est également présente, les encourageant par sa musique en même temps qu'elle leur dicte la cadence. Le pétrissage est ainsi représenté comme l'une des activités marquantes de la cité. Rien de plus logique à cela : les céréales sont à la base de l'alimentation grecque et le pain l'un de ses éléments clés.
Le pétrin est donc, dans la Grèce antique, un objet bien connu de la population. Laquelle lui accorde même une grande importance, à la mesure de la place du pain dans la société. Il en sera de même au fil des siècles à travers l'Europe. De l'Antiquité à l'époque contemporaine, le pétrin est ainsi représenté comme le cœur battant de l'activité boulangère. Un objet riche en symboles : c'est là où l'alchimie doit opérer, là où les ingrédients transformés vont « donner vie » au pain.
L'art de pétrir la pâte à pain
Ces ingrédients sont connus depuis fort longtemps : farine, eau, agent de fermentation (levain, levure) et sel. Leur pétrissage progressif est une étape essentielle de la recette. Le mélange apparaît comme un art qu'il convient de maîtriser pour réussir son pain. Il débute par le « frasage » qui assure l'hydratation des constituants de la farine, puis se poursuit par un travail mécanique d'étirage (favorisant le développement gluténique nécessaire à une bonne élasticité) et de soufflage de la pâte (incorporation d'air). |
C'est la succession de ces différentes étapes qui va permettre d'obtenir la consistance attendue de la pâte avant la cuisson. Elle impose, bien sûr, un savoir-faire mais aussi et surtout une force et une endurance physique de la part des pétrisseurs, le travail s'effectuant manuellement jusqu'au XIXe siècle.
Des pétrins en bois à l'esthétisme soigné
Bien avant qu'arrive la phase de mécanisation, le pétrin est en pierre (il ressemble alors à une amphore), puis en bois. Des espèces résistantes comme le noyer sont utilisées pour le concevoir. C'est alors un meuble utilitaire, en forme d'auge, et souvent muni d'un couvercle. Au Moyen-Age, dans les maisons où l'on possède un pétrin domestique, on prépare son pain à domicile avant d'aller le faire cuire à l'extérieur. Un pétrin qui a, alors, une grande importance dans le foyer. La pratique cessera toutefois progressivement. Les pétrins n'en seront pas pour autant jetés. Ils seront conservés et deviendront des éléments du mobilier de la maison, notamment pour ranger des aliments ou des ustensiles de cuisine.
C'est le cas notamment en Provence où une attention toute particulière est portée à leur esthétisme. Ces meubles en forme de trapèze pouvaient être ornés de sculpture. Certaines de ces maies délicatement décorées étaient même apportées en dot par la future épouse lors d'un mariage.
Des innovations dans les fournils
L'histoire des pétrins se confond également avec celle des techniques. Des travaux sont menés à partir de la seconde partie du XVIIIe siècle pour mettre au point des procédés mécaniques permettant de limiter les efforts des boulangers. Le premier est inventé en 1760 par Monsieur Salignac. De nombreux autres suivront tout au long du XIXe siècle. Leur diffusion n'est toutefois que très progressive : les boulangers français utilisant un pétrin mécanique sont encore largement minoritaires au début du XXe siècle. Le véritable essor interviendra dans les années 60. Pétrin à axe oblique, à spirale... Les innovations successives se sont aujourd'hui diffusées dans les fournils. Ce qui n'empêche pas certains professionnels, désireux de reproduire les gestes des boulangers d'autrefois, de mettre aujourd'hui encore la main à la pâte lorsqu'ils travaillent au pétrin.