Inoffensif pour ceux qui confondent encore « appétissant » et « comestible », il a encore d’autres avantages. Il est bon marché. La matière première abonde. Et il est customisable à l’infini.
Toutes ces facilités de conception n’en font pas une œuvre mémorable. Le collier de pâtes est même un peu nouille. Sauf quand on s’appelle Agnès Propeck et qu’on décide de reproduire le collier dit « de la Reine » avec des pâtes alimentaires.
L’histoire commence en 1772, quand Louis XV demande à des joailliers de réaliser une parure en diamants inégalable pour sa maîtresse, Madame du Barry. Mais Louis XV meurt avant que le collier soit achevé. Les joailliers espèrent vendre cette pièce de 2 840 carats à Marie-Antoinette. Peine perdue. La jeune reine s’accommode mal des restes. En outre, elle déteste la du Barry. Et la taille et le poids de la parure en font, à ses yeux, un ornement plus apte à flatter l’encolure d’un cheval que le port de tête d’une souveraine.
L’histoire s’arrêterait là si le roi Louis XVI n’avait pas un cousin crédule : le cardinal de Rohan. Celui-ci, croyant agir au nom la Reine, achète le collier pour le compte d’escrocs qui revendent les diamants aux quatre coins de l’Europe. S’ensuit un scandale terrible, dans lequel Goethe voit le prélude de la Révolution française.
Une parure à base de conchiglioni rigati et d’orecchiette
Tous ces ingrédients alimentent l’imagination d’Agnès Propeck quand, au début des années 2000, elle décide de répliquer le collier mythique à l’aide de pâtes alimentaires. Plusieurs dizaines de paquets de fettucine, de conchiglioni rigati et d’orecchiette plus tard, l’œuvre est achevée. A l’image de son modèle, le collier de pâtes est colossal. Il mesure plus d’un mètre carré pour plus de trois kilos et a nécessité plus de 150 pâtes pour le seul tour de cou. C’est sans compter les guirlandes, les pendentifs et les panicules qui dessinent son imposant tracé et obligent Agnès Propeck à assembler huit sortes de pâtes différentes.
En 2004, le Collier dit « de la Reine » trône dans la boutique Christian Lacroix lors de l’exposition Parcours Saint-Germain « Sweet’art ou l’art de la gourmandise ». Dix ans plus tard, le grand couturier, alors commissaire d’exposition à l’Abbaye de Montmajour, convoque à nouveau le plus incroyable des colliers de pâtes dans ce lieu où certains des diamants de la Reine pourraient être cachés.
Faute de pierres précieuses, les visiteurs doivent se contenter d’un festin de lumache grandi crues. Quel régal que cette parure comestible ! Exposée sous une vitrine, elle raconte toujours avec la même magnificence ce qui fait le talent de l’artiste : savoir insuffler aux plus humbles objets du quotidien une dimension mythique.
Les produits céréaliers se prêtent particulièrement bien à l’exercice. « J’avais envie de travailler avec des pâtes, car elles sont des objets qui appartiennent à tout le monde et qui habitent notre imaginaire collectif », confirme Agnès Propeck. Royal !