Episode 2 : l’irrigation en ancienne Egypte
L'infatigable voyageur, Hérodote a également visité l'Égypte. Comme à Babylone, son attention a été attirée par le lien entre le fleuve et la prospérité de la civilisation. « L'Égypte est le don du Nil », écrit-il. En effet, à la latitude du Caire, la pluie tombe 12-13 jours par an. Plus au sud, les nuages couvrent le ciel encore moins souvent. Les crues annuelles du Nil abreuvant les terres assoiffées sont par contre très longues, elles commencent en juillet et atteignent leur maximum en août et septembre.
Un système d'irrigation difficile à mettre en place
La dépendance des récoltes aux crues du Nil était reconnue par les plus anciens dirigeants de l’Égypte : déjà pendant la 1ère dynastie, des registres précis des hauteurs annuelles des crues étaient méticuleusement conservés. Jusqu'à présent, des marques indiquant le niveau de l'eau sont visibles sur les talus d'anciens temples. Cependant, si Hérodote appréciait justement l'importance du Nil pour l'agriculture égyptienne, il a sous-estimé le travail humain impliqué. L'eau ne couvrait pas tous les champs cultivés à chaque montée de la rivière et n'y restait pas toujours pendant la durée nécessaire.
« Sa terre est noire et friable, car elle est faite du limon et des alluvions apportés d'Éthiopie par le fleuve. Certes, ces gens sont aujourd'hui, de toute l'espèce humaine en Égypte comme ailleurs, ceux qui se donnent le moins de mal pour obtenir leurs récoltes : ils n'ont pas la peine d'ouvrir les sillons à la charrue et de sarcler. Quand le fleuve est venu de lui-même arroser leurs champs et, sa tâche faite, s'est retiré, chacun ensemence sa terre et y lâche les porcs : en piétinant, les bêtes enfoncent dans la terre le grain et l'homme n'a plus qu'à attendre la moisson », décrit ainsi Hérodote la chance incroyable des Égyptiens. Il oublie pourtant de mentionner que les canaux d'irrigation de construction humaine emmenaient l'eau vers des endroits où elle ne pouvait pas arriver seule et que des digues la retenaient dans les champs.
Le nouveau système d'irrigation en ancienne Egypte
Le système d'irrigation égyptien, apparu un peu plus tard que celui de Babylone, en était différent. Tout d'abord, contrairement aux crues imprévues de l'Euphrate, la montée du Nil était strictement cyclique. Toute la vie de l'Égypte, l’agriculture en premier lieu, était soumise à ce rythme déterminé par le dieu de la crue Hâpy. L’irrigation n’en faisait pas d’exception. L’eau qu’on laissait entrer sur un champ entouré d'une digue en terre, le transformait en une petite piscine. Dès que le champ était suffisamment humidifié, l'eau était évacuée par un drain. Les canaux et les bassins, suivant le relief, montaient progressivement de la rivière aux hauteurs des rives.
Innovation dans l’irrigation égyptienne
Les Égyptiens ont également inventé un dispositif d’élévation d'eau plus efficace que les Sumériens. Au début, l'eau était soulevée, comme en Mésopotamie, à l’aide des puits à balançoire avec un contrepoids, mais la roue en bois avec des cruches à l’intérieur a rapidement remplacé l’ancienne technologie. Et puis un système de deux roues reliées par une transmission a été développé. Un animal aux yeux bandés marchait dans la première roue, qui à son tour, mettait en mouvement la seconde. Ces mécanismes antiques sont encore visibles en Egypte aujourd'hui.
Puits à système de deux roues en Egypte - Adobe stock
Durant les cinq mille ans qui nous séparent du Sumer et de l’Egypte ancienne, d’autres inventions ont facilité le travail des paysans. La Renaissance en Italie, ou encore le Grand siècle en France, ont élevé l'irrigation au sommet d’un vrai art, alliant ingénierie et génie architectural. Au 21ème siècle les nouvelles technologies l’ont rendue extrêmement efficace toujours plus respectueuse des écosystèmes. Le même but anime pourtant depuis toujours celui qui creuse un canal et construit une digue : approvisionner en eau les zones agricoles, protéger la récolte, nourrir.
Lire l'épisode 1, l'irrigation au temps de Babylone