Episode 1 : l’irrigation au temps de Babylone
« Toi qui habites près des grandes eaux, qui possèdes de grands trésors ! », c’est ainsi que s’adresse à la ville de Babylone le prophète Jérémie qui voyait à juste titre dans le système d'irrigation de l'ancienne ville la base de sa prospérité. Aux temps des prophètes bibliques, les canaux d'irrigation de Babylone manifestaient la prouesse technique unique et suscitaient l'admiration et l'envie de leurs contemporains. Pour les habitants des États voisins, Babylone « sur les grands eaux » était un jardin paradisiaque sur terre.
« Toi qui habites près des grandes eaux, qui possèdes de grands trésors ! »
La mise en place des canaux d’irrigation à Babylone
Babylone, héritière de la civilisation sumérienne, du sud de la mésopotamie, a reçu de celle-ci un système extrêmement efficace et complexe de canaux d'irrigation et de drainage, qui a permis de développer des nouvelles formes d'agriculture - celle à jachère ou encore l’assolement triennal (système d'agriculture qui consiste à diviser ses terres en 3 sols pour créer une rotation). Les Sumériens ont su maîtriser l'Euphrate avec ses inondations imprévisibles et dévastatrices, ils ont fortifié son lit instable avec des digues et construit de grands canaux par lesquels ses eaux se déversaient dans le Tigre.
Beaucoup plus tard, au 5ème siècle avant JC, Babylone reçu la visite du grand historien grec Hérodote. Celui qu’on appelle « le père de l'histoire » décrit en détail ce système agricole basé sur l'irrigation : "Cette terre reçoit peu de pluie qui peut seulement nourrir les racines de céréales. Les cultures poussent et mûrissent grâce à l'irrigation. Mais le fleuve ici ne déborde pas sur les champs, comme en Egypte, l’eau est emmenée à l'aide de pompes."
Tablette d'argile avec plan sur Babylone traversé par son canal - Musée du Louvre - @Passion Céréales
Les canaux permettaient non seulement de réguler le niveau de l'eau dans l’Euphrate mais aussi d'irriguer de grandes étendues de terre qui souffraient de sécheresse. Des canaux magistraux se divisaient en plus petits et ceux-ci, à leur tour, se répartissaient en fossés d'irrigation. Une partie de l'eau s’écoulait par elle-même, une autre a été fournie à l'aide des puits à balancier, que l'on peut voir dans les champs irakiens encore aujourd’hui. L’orge et les palmiers dattiers profitaient pleinement de cette aubaine. La culture des champs étant plus ancienne en Mésopotamie que l'horticulture, l'épeautre et le blé, ainsi que le sésame et le lin étaient également très présents.
Comment les systèmes d’irrigation étaient entretenus dans la cité ?
Les Sumériens puis les Babyloniens ont constamment élargi et amélioré leurs systèmes d'irrigation. Les travaux étaient dirigés par l'Etat. Les babyloniens ont fièrement laissé des inscriptions à ce sujet : « L'Euphrate s'est retiré de Sippar, la haute ville sacrée. J'ai creusé l'Euphrate jusqu'à Sippar et ai apporté des eaux claires en abondance. J'ai renforcé la rive de ce fleuve avec de l'asphalte et des briques cuites et j'ai construit un talus pour le dieu Shamash, mon maître », dit l'inscription de Nabopolassar, souverain de Babylone au 7ème siècle avant JC.
L'entretien des canaux plus petits restait sous la responsabilité des communautés de la ville, tandis que les temples étaient chargés de la logistique des chantiers. L'ancienne loi obligeait chaque habitant de Babylone, y compris le roi, soit à participer aux travaux d'irrigation, soit à envoyer un ouvrier à sa place, soit à payer l'impôt approprié.
Tous les terrains étaient disposés de sorte à pouvoir avoir un accès à l'eau. C'étaient des bandes de terre très longues et très étroites qui s'étiraient le long des fossés. Chaque contrat de bail comprenait une clause obligeant le locataire à surveiller l'état des fossés. Un canal pouvait irriguer plusieurs parcelles, mais appartenir à un seul propriétaire, ou au contraire représenter une propriété partagée. Ces situations créaient régulièrement des contentieux judiciaires, s'étalant parfois sur plusieurs générations. Grâce aux nombreuses tablettes à l’écriture cunéiforme qui ont gardé des traces de ces disputes acharnés, le quotidien des fermiers babyloniens nous apparait aussi vivant que si l'action se déroulait aujourd'hui.