Alors il pense à l’avenir. Aux prochaines semailles, à la prochaine récolte, et surtout à la transmission des savoir-faire via la chaîne des générations. Ses terres, il les a reçues de son père, qui lui-même les avait reçues de son père. Il ignore d’ailleurs de quand date le début de l’aventure familiale. « Ça remonte tellement loin que je ne sais même pas », sourit-il. Alors on comprend mieux son inquiétude à la pensée que cet héritage pourrait être délaissé.
Heureusement, un de ses trois enfants pense reprendre l’exploitation. « Ce n’est pas encore totalement décidé, mais c’est en bonne voie. » Pas question pour autant de forcer le destin. « Ça reste son choix. » Robert a déjà réfléchi à la posture qu’il compte adopter. « Il faut laisser faire celui qui reprend ! L’aider, oui, mais pas l’écraser avec trop de conseils. »
L’appel de la récolte
Son propre père a passé la main en douceur. « Au début, il venait souvent, maintenant, beaucoup moins. Mais il conserve une bonne vision globale de l’agriculture, l’écouter est précieux. » Aujourd’hui encore, il garde un lien charnel avec cette terre. « Il aime surtout venir pendant les récoltes. A ce moment de l’année, on le voit plus souvent, il reste plus longtemps. Il aime sentir le grain, le palper, plonger la main dedans pour en vérifier la qualité », raconte-t-il.
Robert Boitelle concède une petite nostalgie à l’égard du passé. « Mon grand-père, par exemple, avait une multitude de métiers. Il était cultivateur, mais aussi maréchal-ferrant, mécanicien, éleveur, bûcheron, il savait travailler le cuir… Aujourd’hui, nos machines de plus en plus sophistiquées nous épargnent bien des corvées. Elles nous font gagner en qualité de vie mais on y a peut-être perdu quelque chose », estime-t-il.
Heureusement, la terre et l’imaginaire qu’elle véhicule, eux, demeurent. Quelque chose nous dit que quelque part entre Laon et Reims, on verra encore longtemps Robert Boitelle arpenter ses champs, à la lueur du petit matin, à l’heure de tous les possibles.