Proust et la madeleine, Philippe Delerm et La première gorgée de bière… Les céréales sont à l’origine de plaisirs minuscules et de bonheurs majuscules.

Comme toutes les histoires ne sont pas écrites dans les livres, une conversation avec Edouard permet de s’initier à d’autres joies céréalières. Car le plus grand bonheur de cet agriculteur en Camargue est de contempler la première feuille de riz qui perce la surface liquide de la rizière…

A en croire ce céréalier installé dans le Gard, cette feuille si fragile est suffisamment forte pour supporter le poids d’un roman. Quand il la prend dans sa main, « elle concentre mon bonheur de voir apparaître la vie que j’ai semée ». Et quand il la contemple, elle lui raconte « l’aventure du riz qui commence » et encore d’autres histoires…  

A Fourques, au bord du petit Rhône, l’exploitation d’Edouard Cavalier participe à la production annuelle de 60 000 tonnes de riz sur un territoire réparti entre l’Aude, l’Hérault, le Gard et le département voisin des Bouches-du-Rhône. Pour Edouard, la levée du riz annonce la production locale d’un quart de la consommation française de cette céréale. Elle est aussi le symbole de la participation de l’agriculture au maintien de l’équilibre des milieux naturels camarguais. Sans des exploitations comme la sienne, sans des céréales adaptées au climat méditerranéen (le blé dur et le riz) et sans le cercle vertueux de l’irrigation, la Camargue serait un désert salé.

Et la palme du désherbage revient… aux canards

Cette union sacrée entre la nature sauvage et la nature façonnée par l’homme s’illustre par le nom de sa rizière. « La Canardière » est une parcelle qui plaît autant au riz (produit sous l’indication géographique protégée « Riz de Camargue ») qu’aux colverts.

La présence d’oiseaux sauvages dans la rizière d’Edouard n’est pas anecdotique. En 2011, des chercheurs de l’Inra de Montpellier ont testé l’introduction de canards pour lutter contre l’infestation de mauvaises herbes dans la rizière « bio » d’un collègue. Cette technique, qui s’inspire de pratiques expérimentées en Asie, a été concluante. 300 canards apprivoisés ont consommé des graines et des jeunes pousses de mauvaises herbes et permis une augmentation du rendement.
Edouard décernera peut-être un jour la palme du désherbage à ces palmipèdes.  Qui sait ?