Petit épeautre, quinoa, orge, millet, amarante… Ils ont pris leur quartier (chic) jusque dans les cuisines des palaces. La raison ? « Les céréales sont un formidable terrain de jeu ! C’est une matière très intéressante et originale à travailler », s’exclame Sydney Redel, chef du cinq étoiles Le Peninsula à Paris. Il fait partie de ceux qui ont trouvé dans les céréales une source d’inspiration et une façon d’exprimer leur créativité. « Les céréales ont un double avantage : pouvoir être dégustées chaudes ou froides, et permettre de jouer la carte à la fois de la simplicité et du sophistiqué». Et la plupart sont sans gluten, ce qui contribue à leur popularité dans l’assiette.
Le quinoa, largement plébiscité
Au Plaza Athénée, le restaurant gastronomique d’Alain Ducasse mise depuis 2014 sur le concept de la naturalité qui repose autour de la trilogie : légumes, céréales et produits de la mer. Une cuisine, explique-t-il, « libérée et affranchie ». Sur sa carte de saison, le chef Romain Meder met en avant le quinoa d’Anjou, qu’il choisit blanc et sert avec des champignons, des baies de sous bois et des aubergines. « J’aime son goût légèrement amer et les saveurs des feuilles fraîches de quinoa. Elles sont plus chargées en protéines que la graine elle-même et rappellent la saveur de l’épinard ». Sydney Redel, lui, est un adepte du « quinoasotto » et préfère le quinoa du Pérou. « Comme il s’absorbe très vite, on peut le travailler comme un risotto, en le servant très al dente. On peut aussi l’utiliser dans un taboulé ou le proposer avec des crustacés, avec une sauce riche, une bisque, qu’on verse dessus. Le quinoa, pour moi, c’est le nouveau féculent.»
Chez Alexandre Bourdas, chef étoilé du SaQuaNa à Honfleur, préserver l’intégrité du quinoa sans altérer ni son goût ni sa texture est assez facile. « Je n’hésite pas à le servir froid, à l’associer avec un wasabi frais et le servir avec un boeuf, dont la saveur pourra être relevée par un agrume. ». Edouard Loubet, deux étoiles au guide Michelin, réalise parfois une boisson fraîche à partir du quinoa, qu’il sert aussi en salade, en soupe, en gratin, en compote… « Ses éléments et valeurs nutritives permettent de le travailler sous toutes ses formes, en quiche, en choux farcis, en galette… Le quinoa est très facile à digérer. »
Le plaisir d'être créatif
Certains chefs aiment puiser dans leurs souvenirs d’enfance pour cuisiner les céréales. « Ma mère faisait souvent du pilpil et salade, du millet en gratin souvent avec un œuf, et elle utilisait du petit épeautre en soupe. Un régal ! On mangeait beaucoup aussi en famille des flocons d’avoine de différentes façons » raconte Edouard Loubet. Sur sa carte, l’inspiration s’en ressent : le Saint-Pierre est servi avec… des flocons d’avoine citronnés.
La "Soupe de Petit Épeautre de Sault et Jambon d'Agneau" d'Édouard Loubet
Sidney Redel se souvient des yaourts au muesli qu’il mangeait petit. « J’imagine aussitôt dans le même esprit une garniture inspirée du yaourt avec ses fruits secs. Tout ce qui est crémeux se mariant bien avec les céréales, la combinaison muesli – veau me semble parfaite. » Avant d’ajouter : « Sur le terrain du sucré, les nouveaux défis sont possibles et les idées peuvent fuser. Je pense à une céréale au lait qui viendrait à rappeler le riz au lait. Pourquoi pas de l’orge perlé pour remplacer le riz ? » Son péché mignon en ce moment : l’épeautre, qu’il apprécie pour son fondant, son moelleux. « Il s’absorbe bien, apporte une touche de gourmandise et ne plombe pas l’estomac, tout en tenant bien au corps. Je l’utiliserais avec une sauce poisson relevée au gingembre, ou en garniture liée avec du jus de veau, voire du jus d’agneau. Et pourquoi pas avec une pointe de roquefort ! » Quant à l’amarante, le chef Loubet s’en sert plutôt en apport, pour agrémenter un bon pain sans gluten ou en purée avec de la carouba pour de bons petits déjeuners qui tiennent au corps le matin.
Et à la maison ?
Alexandre Bourdas conseille de commencer par cuisiner le quinoa. « On peut le cuire à l’eau et le servir avec un poisson, le cuire en bouillon et déguster le bouillon qui en sera plus savoureux ». Romain Meder, lui, conseille de bien laver le quinoa avant de le cuire dans un bouillon de pot-au-feu et de le faire sauter à la poêle. « Une fois toasté, je le fais gratiner au four avec oignons, un peu de beurre et le reste du bouillon pour qu’il caramélise sur l’extérieur tout en restant moelleux. » Sidney Redel imagine plutôt de l’épeautre cuisiné avec une sauce curry à base de banane, coco, menthe, mélisse, poivrons… « On lie la base avec toutes ces purées de fruits, le curry, et on cuisine l’épeautre avec ça pour le rendre bien onctueux, à servir avec des Saint-Jacques. »